dimanche 8 janvier 2017

Sébastien Rozeaux à propos de La garde républicaine

A l'occasion de la sortie le 17 janvier, de La garde républicaine, son deuxième roman, voici une interview de Sébastien Rozeaux. 

Ton deuxième roman apparaît de prime abord très différent du premier. Pourquoi ?
À bien des égards, oui, Le Barbu céleste et La garde républicaine n’ont que peu à voir : on passe d’un roman « brésilien » qui tourne autour de ce personnage paumé qu’est le barbu à un roman polyphonique dont la trame s’ancre dans un Paris contemporain et insurrectionnel. Et pourtant, il y a, je crois, bien des choses en commun : des vies qui basculent, une accélération brutale du temps, une réflexion sur le (non-)sens de la vie, une envie de prendre le large, de repartir à zéro.

Pourquoi un roman « politique » ?
Le Barbu céleste, à sa façon, l’était aussi. Tout écrit est d’une façon ou d’une autre politique. Ici, la politique est au cœur de l’intrigue, et elle permet d’interroger la question de l’engagement, et celle de l’adéquation (impossible ?) entre des idées et des pratiques, entre la radicalité des mots et les modes de vie plus ou moins embourgeoisés de certains personnages, comme Laurent ou François, en particulier. La fascination qu’exerce Henry sur ces deux personnages tient d’abord à son refus immédiat, comme inné, de la compromission, à la pureté de sa radicalité. 

Tous les personnages, à l’exception peut-être du tireur, Henry, semblent déboussolés, comme si l’attentat leur permettait de se confronter à leurs contradictions. Tu crois que cela reflète notre monde aujourd’hui ? 
Chacun des personnages porte en lui une part de responsabilité dans la dérive du monde, dans l’acceptation de l’inacceptable, de l’inhumain, de toutes ces tares qui caractérisent nos sociétés dites modernes, civilisées. La brutale insécurité qui les frappe dans la foulée de l’attentat apparaît comme un révélateur de leurs compromissions, de leur culpabilité et de leur mal-être. Aucun des personnages ne sort indemne ou innocent de ces événements, pas même Henry… Mais je n’ai pas voulu dresser ce faisant un portrait au noir ou profondément désespéré de la société, bien au contraire… 

Tu as écrit ton livre avant la naissance du mouvement « Nuit debout », qui n’est pas sans rappeler certains passages de ton roman. Tu penses que les citoyens ont besoin de se réapproprier la rue ? Est-ce inévitable ? 
La première mouture du roman date de 2013, en effet. Et le « mouvement du 14 juillet » auquel je me réfère à plusieurs reprises a tout à voir avec les occupations des places publiques au cours de l’année 2016. Ce roman dénonce plus largement les tendances à l’atomisation, à la désocialisation qui accompagnent l’avancée du capitalisme néo-libéral, notamment dans sa dimension numérique, au sein de nos sociétés démocratiques. Discuter, palabrer, flâner, occuper apparaissent comme des perspectives euphorisantes dans le roman, comme dans la vie je crois. 

Peux-tu revenir sur la dimension historique de ce roman ? 
L’histoire, le passé républicain sont mobilisés par chacun des personnages pour justifier leurs idées, leurs actes et leurs réactions face aux événements de type insurrectionnel autour desquels s’organise la trame de la narration. La Révolution française, comme les nombreux épisodes révolutionnaires du XIXe siècle français sont ici convoqués à plusieurs reprises. Mais les lectures de l’histoire sont diverses, c’est pourquoi chacun des personnages incarne un avatar du garde républicain. 

Le coup de feu d’Henri semble être un détonateur pour la société entière. Il faut toujours un événement majeur, illégal voire violent pour que les gens se mettent à agir ? 
Je ne sais pas. Il est toujours délicat de tirer des « leçons de l’histoire ». Je ne m’y aventurerai donc pas. D’ailleurs, le roman ne tire aucune leçon des multiples rebondissements qui font suite à l’attentat. Laurent convoque la Révolution française pour rappeler la dimension insurrectionnelle première de cet événement fondateur de la République, mais ses sympathies anarchistes ne sont pas contradictoires avec ses convictions pacifiques, lorsqu’il rappelle l’échec de la propagande par le fait, sous la IIIe République. Mon idée première dans ce roman était de comprendre comment on pouvait réinsuffler du mouvement, de l’action dans la vie démocratique. Ici, le prétexte en est une tentative d’attentat contre le président de la République, comme il en a existé plusieurs sous la Ve République, que l’on pense à De Gaulle ou Chirac, aussi. Mais il existe bien d’autres manières de faire bouger les choses en profondeur.  

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