Deuxième extrait du livre de Willy Marze Au cœur du Péyi Guadeloupe - Enquête sur une identité. Sortie le 5 janvier.
La plage de Cluny est un de ces endroits qui vous surprend
par sa beauté sauvage. Un sable roux recouvre la lisière de la forêt et l'océan s'évanouit en ondes vigoureuses
engloutissant le rivage. C'est aux abords de ce cadre que
Francine tient son commerce. Un restaurant créole à l'ombre de palmiers au-dessus d'un littoral où les vagues s'arrachent
sur des rochers longilignes. À l'horizon, un grand roc en forme de casque
sort des eaux : « C'est Tête à l'Anglais » dit-elle lorsque
nous buvons un café à l'une des tables de sa terrasse, les
pieds dans le sable chaud.
Mais aujourd'hui, Francine n'a pas le cœur à rire. Elle qui a l'habitude de se répandre en
extravagances, n'en trouve plus la force. Le corps
drapé dans une robe large aux motifs colorés, ses yeux trahissent une gravité
que je ne lui connaissais pas.
— En face de la plage, il y a des
terres cultivables qui vont jusqu'à la montagne, m'explique-t-elle. Ce n'était que des bois et nos ancêtres
ont tout défriché. Et jusqu'à maintenant, nous cultivons encore
sur cette terre-là.
Sa peine est si visible que je la laisse se confier sans
rien dire. Elle prend une grande bouffée d'air avant de reprendre.
— Mais tu comprends, quand nous
sommes arrivés, il n'y avait pas de titre de propriété.
Tu parles! Ça n'existait pas ! Et maintenant il veut nous la
reprendre.
— De qui parles-tu Francine ?
— Ce béké !! Il dit qu'il est propriétaire aussi ! Et il est prêt à tout pour nous faire fuir ! Il a brulé tout mon jardin avec des pesticides. Une récolte entière ! Tu te rends compte ? dit-elle le menton tremblant.
Elle se contient. Par fierté. Mais l'émotion semble encore vive.
— Il est venu comme ça, dans nos champs, avec des hommes de main et des chiens ! rajoute-t-elle la voix tremblante.
Elle étrangle un sanglot en évitant mon regard et cherche du courage en suivant des yeux les vagues qui déboulent.
— Tu te rends compte, avec des chiiiens !!! Comme... comme au temps de l'esclavage pour nous traquer. Comme si on était des… bêtes !!
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